N° 313 janvier 1982
Déjà, l'idée de se donner rendez-vous dans un
chenil pour faire des photos, ne manquait pas de...
mordant ! Wouah...
Les quatre dogues de Starshooter avaient-ils
les dents longues, et le poil meurtrier, des
colliers de chiens autour du cou et ce fameux
look post-punk qui les suit à la trace, depuis
leurs premiers jappements en 1977 ? Ou bien,
allaient-ils aboyer à juste titre, fiers et solitaires,
pour défendre " Pas fatigué ", leur dernier
33 tours, accueilli dans les milieux spécialisés,
comme un beau cabot de nouvelle année !
Bien plus qu'un chenil, c'est vers une véritable
institution d'éducation canine que nous mettons
le cap, flairant la bonne aubaine pour prendre
l'air par ce temps neigeux, auprès d'animaux
habitués à jouer la comédie pour le cinéma, la
publicité et la télévision.
Les 4,loulous de Starshooler : Kent, le chanteur
qui fait ses griffes à la guitare, Jello, le guitariste
aux yeux de jade, Mickey, le bassiste qui parle en
silence, et Phil, batteur qui résonne juste, reviennent
d'une tournée de promotion dans le nord de la France.
Un peu flappis par ce voyage marathon, conduits par
Jean-Pierre leur manager, fidèle à la meute depuis le
départ en flèche de Starshooter, il y a deux ans,
au Pavillon Baltard, lorsqu'ils ouvrirent devant
Lavilliers. Un peu éteints, mais l'oeil goguenard et
l'haleine en verve, ils sont prêts à ronger jusqu'à la
moelle ceux qui ne reconnaîtraient pas les neufs
morceaux de premier choix, de bidoche musicale,
qu'ils nous servent sur plateau de vinyl.
Kent regarde ses " Tronches de vie " parues
dans un journal de rock, le traitant aimablement de
" face de cake ", le montrant sous des angles
photos hilarants. Cela le fait rire et il accentue ses
mimiques, pas gêné de passer pour un clown à
l'humour incisif. Un collier de chien strangule
doucement son cou : voilà Kent, Berger Picard au poil
roux qui signe les pochettes des disques du groupe
et commence à faire causer de lui dans la
profession des dessinateurs. 4 lévriers féroces,
mutants d'une planète canine, biberonnés au rock,
vêtus de blousons, tenus en laisse par des mains
invisibles, aboient, les crocs en éveil... tout ça
dessiné sur la pochette. " Je manque de temps
pour dessiner, je fais des bandes dessinées
qui paraissent dans des revues, principalement
dans les numéros spéciaux de " Métal Hurlant "
mais il me faudrait six mois, tranquille, pour
terminer un livre qui devrait sortir aux éditions des
" Humanoïdes Associés ". " Six mois de répit?
Wouah... Les autres jappent, en tirant sur la
laisse " C'est ça oui, prends six mois... essaie un
peu, ça va pas non ? au moment ou on touche
au but ! " Rien qu'à cette idée, Jello fait semblant
de s'étrangler. Les Starshooter se font des
niches pour essayer de se faire sortir
mutuellement de leurs gonds, mais ils se
connaissent trop bien pour mordre à l'hameçon
et prendre les menaces des uns pour des
trahisons envers le groupe. La route est fraîche
qui nous conduit au chenil (celui où ont été prises
les photos est dirigé par Dominique et Marcel
Lesourd, à Livry-Gargan). De qui vient cette idée ?
Jello pointe un regard cocardé par de
superbes lunettes (aux verres turquoise
fluorescents), vers Kent, le coupable :
" La prochaine fois, dessine des dauphins sur la
pochette du disque, et on ira à Miami pour prendre
des photos... ! "
" On est ensemble depuis 10 ans, oui 10 ans que
l'on joue ensemble, mais cela fait 4 ans
officiellement, depuis que Starshooter existe ".
Starshooter, un nom bizarre. Un jour, un rocker
anglais m'avait demandé de lui traduire le nom
de ce groupe. Ce n'est pas un mot anglais, c'est
un nom qui sonne bien, un mot qui circulait quand
on était gosses. Starshooter, ça ne veut rien dire
de spécial, c'est un peu comme une onomatopée,
ça a un côté " héros de bandes dessinées ",
toutes les interprétations sont possibles ! "
ils ont goûté au Canigou en attendant leurs
pâtées royales
La voiture a eu du flair. V'la le chenil. Habiles à
inventer des scénarios, les Starshooter se
composent, en un raclement de gorge, une histoire
canine, un suspens au cours duquel, Phil le batteur
gominé de près, plus brun qu'un hidalgo, fringué
comme Colombo, se fait agresser par des chiens
policiers. Qui dresse qui ? Imaginez le décor : Igor,
un tigre zébré de férocité docile, et Baghera,
la panthère noire au strabisme charmeur, assistent
au spectacle, derrière des grillages.
Un péteux dans une main, et demain c'est Noël
C'est une attaque à main armée, où est la caisse ?
Donnez-moi les talbins et surtout pas d'appel !
Ne criez pas ou bien la gâchette, je presse !
Il a crié... !
C'est " Léo Song ". Visiblement ça les réjouit de se
prêter au je de la mise en scène.
" On est tous un peu comédiens par instinct ". Jello
maîtrise Ralph, un berger qui vaut son Pesant de
muscles, tandis que Mickey calme d'une main
bien léchée, Bart, qui menace de dessaper Phil aux
prises avec des bêtes de scène avides de jouer.
Phil se promet d'avoir un jour un chien de traîneau.
" C'est important de soigner son image de marque,
de montrer qu'on est capable de côtoyer des chiens
de race et des bâtards ! " Ouais, car les
Starshooter ne sont pas bégueules. Ils ont goûté
au Canigou en attendant leurs pâtées royales
que ne devraient pas tarder à leur apporter la
renommée qui pointe son museau.
Trust, Téléphone, Bijou, Starshooter voilà à quoi
se résume la liste des finalistes de la curée de 77
qui vit exploser le cocorico rock: "Si les
organisateurs prenaient modèles sur les Anglais,
ils faciliteraient la montée des groupes français.
En Angleterre, les groupes étrangers n'ont pas
le droit de tourner alors évidemment, les Anglais
progressent. Pourquoi en France, ne pas imaginer
les Pretenders en première partie de Bijou au lieu
de l'inverse ? Il serait temps de ne Plus faire de
complexe vis-à-vis des Anglo-Saxons! "
Sans faire grincer les canines, les 4 dogues de
Starshooter n'ont pas besoin de faire le beau pour
prouver qu'ils ne sont pas près de bouffer le
chiendent pas la racine.
……………………………Laure Caprile