"... Il semble qu'il y
ait eu une
incompréhension
totale ..."

UN ARTICLE DE MICHEL EMBARECK Kent : " ces barrières dans la tête… " Les Starshooter ou Kent, je voulais absolument les Rencontrer. Pas question de laisser la place à d'autres. L'idée me trottait dans le choux depuis Orange où ils s'étaient faits jeter comme des malpropres. Vive surprise dans ma tête de nouveau fan de Starshooter. Leur premier album me donnait des envies de meurtre en un temps record. Le second me comblait d'aise surtout en cette période estivale. Je n'ai pas changé d'avis persévérant même dans ce que certains considèrent comme une hérésie totale. " Mode " n'est peut être pas un album parfait mais certainement un des meilleurs de l'année tant pour ses textes que pour ses musiques. Malheureusement il semble y avoir eu tout comme un quiproquo entre Starshooter et ses premiers fans. J'entends déjà certains purs & durs du tempo hurler de rage. Ils acèrent leurs plumles d'acier pour entamer une brillante lettre d'insultes. Inutile de vous fatiguer les braves. Je connais le couplet par cœur. Tournez les pages. On ne fait pas boire des mules qui n'ont pas soif. Je considère ce papier dépourvu de tous risques si ce n'est celui de passer pour un con aux yeux de ceux qui haïssent Starshooter façon " Mode ". C'est d'une banalité tout juste humoristique. Replions les parapluies. Tout comme Bob, Kent sentait un besoin impérieux de se mettre à table. Depuis quelquesmois il(s) ruminai(en)t dans son (leur) coin une terrible fureur devenue au fil du temps profonde désillusion. Les starshooter ne sont pas totalement abrutis par le pogo. Les Starshooter ne sont pasanimés d'une espèce de mouvement perpétuel ( à deux temps ) allant de bas en haut ( et inversement ). Et surtout, les Starshooter ne sont pas des pisse-vinaigne.On a failli l'oublier. C'est peut être le plus grave. Les marrants devenus sérieux sont toujours tristes. Rendez le sourire aux Starshooter ils vous rendront la monnaie. GET BAQUE M.E. : Après les ratages de cet été, il semble que vous ayez , trouvé la solution lors du concert du Castelet en revenant au rock que vous faisiez auparavant ? Kent : Je ne crois pas. Je pense que nous avons assuré au Castelet comme ailleurs. M.E. : C'est plus le répertoire joué qui est en cause ? Kent : On a joué des morceaux des deux albums et d'autres trucs qui nous branchent. , M.E. : Allons directement au but : il semble qu'il y ait eu entre votre public et vous une incompréhension totale sur le second album ? Kent : C'est le moins que l'on puisse dire. Je vais essayer de m'expliquer sans m 'énerver… ce qui arrive très souvent lorsque j'en parle. Je crois que cette incompréhension vient pour une bonne part de notre faute. La pochette tout d'abord. Au moment où nous l'avons faite, nous étions branchés sur les nanas et sur la mode comme nous l'étions auparavant sur les camions… C'est pas qu'on aime plus les camions… mais nos goûts se sont élargis. On s'est pas dit, " on vire mode ", c'était notre truc du moment. La pochette a été conçue autour de cette folie momentanée avec l'idée de faire une sorte de couverture de magazine. Pour nous, c'était un gag. Malheureusement personne ne l'a pris comme ça. M.E. : La pochette n'est pas la seule en cause ? , Kent : Non, la musique aussi a surpris. On s'est appliqué pour les vocaux, les guitares, les chœurs, etc… Le premier album est une réplique de ce que nous faisions sur scène. C'était obligatoire puisque nous étions passés directement de notre cave au studio. Plus tard on a connu d'autres musiciens, d'autres musiques. C'était intéressant. Au moment de " Mode ", Pathé a dit : "il faut faire un album comme le premier ". Pour elle on avait vendu du punk donc il fallait continuer. , M.E. : Dès le départ, vous saviez que ce ne serait pas le cas ? Kent : Oui, c'était dégueulasse de faire ça. Nous avions envie d'autre chose. En écoutant la maison nous aurions menti au public et à nous mêmes. La recette commerciale aurait été bonne à exploiter… Vendre du punk ou de la disco, les maisons s'en foutent. On a dit non. On voulait faire autre chose. On s'est appliqué et ce fut une planterie. M.E. : Pourtant c'est vachement bien fait. , Kent : Oui, je ne renie pas ce disque. Il est chouette. Mais ce n'était pas du tout ce qu'attendais notre public,. Je crois que tout est allé trop vite. Il aurait peut être fallu un simple de transition. , M.E. : Quand vous êtes sortis, vous étiez LE groupe punk français. Dans l'esprit du public ce fut un cataloguage définitif non ? Kent : Il y a deux ans les gens venaient au concert pour voir " les bêtes ". Il y avait une énorme curiosité. Quand on jouait " Get baque " on se faisait huer. Beaucoup n'admettaient pas que l'on touche aux Beatles. Aujourd'hui si on ne joue pas " Get Baque " on se fait huer. Notre truc est de ne pas revenir sur ce qui a déjà été fait … par nous ou par d'autres. Ce qui m'énerve aussi c'est de voir le public venir au concert uniquement pour la défonce. Peu importe le groupe. Ce qu'on nous demande c'est d'être sauvages pour que les gens sautent en l'air. Ce que tu dis n'a aucune importance, pour moi Starshooter c'est une musique, des idées, une façon d'être. Ca le public s'en fout. L'important c'est que ça bastonne. M.E. : Les maisons de disques ont vu, elles, le profit qu'il pouvait y avoir ? Kent : Oui, pareil. On nous demande de faire du punk. Ca se vend. La malhonnêteté aurait été de suivre cet avis alors que nous voulions faire autre chose. M.E. : Pour toi, les groupes ou les chanteurs dont les textes sont " engagés " n'atteignent pas vraiment leur but ? Kent : C'est pas dans la salle qu'il faut faire huer les flics ou la société. C'est dehors. Si le public a gueulé pendant deux heures, il rentre vite se coucher. M.E. : On met le linge dans la machine, on lave et on essore … Kent : Exactement . On a drôlement réfléchi. En faisant une musique dure ou engagée tu n'intéresses que des gens qui connaissent, qui pensent la même chose. A la limite t'es complètement inutile. Tu rates tous ceux qui ne sont pas au courant de cette façon de vivre ou de penser. Ce qu'il faut c'est toucher d'autres gens qui ne savent pas mais qui ne peuvent être réceptif à ton message. LOUKOUM SCANDALE M.E. : Vous avez cherché une autre façon de dire les choses ? Kent : prends " Inoxydable " et " Congas " le thème est le même, mais dans le second la musique est plus riche. Elle attire l'oreille de ceux qui n'écouteront jamais " inoxydable ". J'aurais pu dire " j'en ai rien à glander d'être lourdé par mon patron, ce soir je vais me saouler la gueule ". Le public du premier album aurait aimé mais à quoi bon redire la même chose aux mêmes gens qui sont conquis d'avance ? Tu prêches des convertis. Ce qui m'intéresse c'est que des gens écoutent d'abord une mélodie et après s'aperçoivent qu'il y a autre chose. M.E. : Ce que vous reproche votre premier public c'est " on est plus entre nous ". Ce qui t'intéresse c'est d'agrandir ton cercle d'auditeurs ? Kent : Exactement. Il faut que le père écoute " congas " et se dise : " ce que raconte mon môme existe vraiment. Il est pas dingue ". Après il se posera des questions. Mais ceci n'est pas seulement valable au niveau familial. M.E. : A quels niveaux aussi ? Kent : Pour les médias et les maisons de disques. Si on fait un disque plus abordable, pas plus commercial comme disent certains car si on avait voulu faire du blé on aurait continué le punk, c'est pour toucher d'autres gens et pour entrer dans un milieu qui ferme ses portes à certains textes. Tu passes pas en radio avec " Get baque " puisque le texte et la musique sont trop durs. Tu te coupes de tout un public comme ça. Alors nous nous insinuons. Je crois qu'il est plus facile d'attaquer de l'intérieur que d'essayer d'affronter le mur. M.E. : Le thème est éternel… Kent : Au début, nous avons cru que la vague punk allait vraiment faire exploser les portes. Mais les maisons, les radios, etc… sont pas idiots. Ils arrivent à te faire rentrer dans leur jeu par des portes dérobées. En plus, l'explosion de groupes ne s'est pas produite. Il n'y a pas autant de groupes que certains le croient. On a bien vu que notre plan avait raté. On a dit O.K. on est avec vous, on cause bizness. On est entré et maintenant on essaie de changer certaines habitudes. M.E. : Mis à ce jeu là t'as autant de chance de te faire baiser Kent : Peut être, mais le premier guet-apens a été évité en ne faisant pas du tout ce qu'on nous demandait. M.E. : L'incompréhension avec le public est-elle en train de s'estomper ? Kent : Un peu. Depuis six mois, certains concerts ont été vraiment durs. Soit il n'y avait pas grand monde, soit des gens venus pour foutre la merde. Maintenant ç a passe. On a discuté avec le public. Il y a eu le Castelet où devant des milliers de gens qui ne nous connaissaient pas et qui étaient surtout venus pour la moto, Starshooter a fait un triomphe. C'était donc surtout une incompréhension vis à vis des premiers fans. Ils croient toujours à quelque chose qui n'existe plus. M.E. : C'est la nouvelle vague délaissée par les premiers fans … Kent : Exactement. Malheureusement il existe des gens croyant que nous sommes les premiers fans ! C'est délirant. Les mômes aujourd'hui n'écoutent plus les Sex Pistols ou Jam mais AC/DC, Van Halen ou Led Zep. Le rock est revenu deux ans en arrière et Starshooter se trouve face à deux alternatives : soit arrêter soit refaire ce qu'on faisait avant. Ce ne sera ni l'un ni l'autre. La seconde solution serait malhonnête et la première m 'énerve. Avec le courrier que nous recevons on voit que certaines personnes et beaucoup de très jeunes aiment notre évolution. A partir de Starshooter ils découvrent d'autres choses. M.E. Quand tu vois les disques qui ne partent pas, le public qui ne suit pas et les musiciens qui y croient tu ne te tires pas en ricanant ? Kent : Ca me fait chier, ça me fait de la peine. Maintenant il m'arrive de ricaner et de rester comme à Orange par exemple. Cet été j'ai eu de grandes périodes de déprime. Tu te demandes à quoi servent tes idées, puisque si tu les chantes sur du rock certains n'écoutent pas à cause du rythme et si tu changes de rythme les rocker n'écoutent pas. En France, tu as deux solutions : soit le rock-culture style Higelin soit la variété-merde. On pensait que c'était pas obligatoire. M.E. : Il y a une chose surprenante avec " Mode ", " Loukoum scandale " est vraiment un scandal quand on écoute les paroles. " Congas " est un super truc autant pour les paroles que pour la musique. Et c'est la première des deux qui marche… Kent : Oui " Loukoum scandal " est l'histoire d'une pute qui réussit. C'est marrant mais effectivement scandaleux de vanter les mérites de la prostitution pour réussir. Mais ceci est exemplaire. Grâce à un alliage subtil d'une certaine musique et d'un certain texte, on arrive à tout faire passer. C'était aussi la recette de Dutronc, quand il chantait. Ca semblait vachement rigolo. Quand tu écoutais de près c'était pas marrant du tout.Tu peux jamais savoir ce qui va marcher ou pas. Il y a des trucs qui semblent évidents et puis boff… MODE M.E. : Quel sont les projets de Starshooter maintenant ? Kent : J'aurais été bien déprimé, je t'aurais dit c'est fermer sa gueule… M.E. : Vous avez pris un sacré coup au moral ? Kent : J'ai jamais eu autant de déceptions que cette année. En deux ans de tournées, j'ai vieilli de dix ans. Autant avant j'étais excité autant maintenant je me sens …peut pas dire… crevé. Avant devant les critiques je faisait un bras d'honneur. Maintenant j'ai plus la force de lever le bras. Il y a des jours ou j'ai la forme, où je peux m'expliquer et d'autres où j'envoie balader. M.E. : C'est vraiment bien loin des déclarations fracassantes du début ? Kent : J'ai pas envie d'arrêter de toute façon. Je voudrais être compris… (hurlement de rire)… Comprenez moi… De toute façon si t'es pas compris au premier abord c'est que tu t'es planté. La musique doit être quelque chose d'évident. On ne l'a pas été assez… M.E. : Se repose donc une fois encore le problème de la transition. Kent : Oui, je le crois. Mais dans notre volonté de ne pas faire ce que l'on voulait nous imposer on est allé trop vite. Et puis, pendant un an les tournées se sont succédées. Le véritable contact avec le public a été rompu. C'est très très malsain. M.E. : Qu'est-ce que tu es sérieux… Kent : Oui, car je m'explique, cette interview à Best est extrêmement importante pour nous. Ce qui m'a énormément déçu à propos de sérieux c'est celui avec lequel " mode " a été pris par tout le monde. Au départ on est des vanneurs, des plaisantins. Tout à coup le public et la presse ont oublié notre première qualité … qui les avait séduits d'entrée. On a fait " Mode " dans le même esprit de rigolade. Ce côté a été détourné à des fins intéressantes par ceux qui écrivent. En France, il y a le complexe culture. Il faut soit être sérieux alors t'es catalogué dans la culture, soit il faut faire vraiment dans l'humour presque gaulois pour être amuseur. Le robinet doit être ouvert ou fermé mais les demi-mesures personne connaît. M.E. : C'est bizarre aussi que les " techniciens " ne se soient pas étonnés devant vos progrès musicaux ? Kent : Les techniciens n'ont pas tellement d'humour et sont branchés le plus souvent sur le rock pur & dur. Pour eux notre musique n'était pas du rock. Et puis notre passé ne plaidait pas en notre faveur. Je crois qu'ils n'ont même pas pris la peine d'écouter " Mode ". M.E. : Vous avez des idées sur votre avenir ? Kent ! Ca se clarifie peu à peu mais aucune idée précise encore. On est toujours branchés sur le rock mais aussi sur un tas d'autres musiques maintenant. Ian Dury par exemple nous excite énormément. C'est venu petit à petit. Mink De Ville aussi … J'ose à peine dire ce que j'aime à cause de ces barrières dans la tête… Il y a des réflexes qui me font marrer. Quand les Stones enregistrent " Angie " ou " Satanic Majesties "… il y a des morceaux là dedans qui n'ont rien à voir avec le rock. Personne ne songerait à le leur reprocher … M.E. : Tu ne crois pas avoir mieux cerné dans les textes du second album les problèmes ou les préoccupations des gens de ton âge ou de ceux à qui tu t'adressais ? Kent : Oui, mais dans la mesure ou une partie de ces gens n'a pas compris c'est que j'ai échoué. M.E. : En dépit de tout ça tu sembles relativement à l'aise dans tes baskets… Kent : C'est peut être le karaté, je m'y suis mis depuis un an et ça me fait un bien énorme. M.E. Cet interview n'était pas un travail, mais un plaisir… (rires) Mickey : Vous voulez du café, du jus d'orange ou de la bière ? Kent : jus d'orange M.E. : café. TIGRES DE PAPIER Cette conversation eut lieu dans un angle d'un living immense vide de tout meuble. Un décor idéal pour une pièce d'avant garde sur l'incommunicabilité des esprits. Tout un symbole. L'ambiance était calme mais l'on sentait dans la vois de Kent une volonté féroce de convaincre pour être compris. Cette obligation faite à Starshooter de s'explique est tout de même aberrante en soi, lorsque l'on considère le sens dans lequel ils prirent l'Histoire voici deux ans. Le groupe se retrouve plongé au cœur d'un débat vieux comme le rock. Le sectarisme d'une frange du public, les barrières entre les genres sont vécues comme autant d'obstacles infranchissables alors qu'il ne s'agit que de tigres de papier. Kent ne fait que manier des concepts ou des arguments, certes nouveaux pour lui, mais éculés pour d'autres. Dans son cas pourtant, la façon dont il sortira de cette quadrature du cercle est importante. Toute une vision de l'avenir du rock en France est contenue dans la réponse. La marginalisation de cette musique est plus no-future qu'une preuve de vitalité. Comment en sortir ? Il est bien difficile dans la Phrance éternelle de dévier des normes pour se faire un nom autrement que par les institutions ou le scandale. Les gagnes-petit, les étroits du béret, les coincés de la b( r )aguette ne sont jamais prêt à s'enorgueillir du succès d'un des leurs lorsqu'il est acquis par des voies qui ne doivent rien à la chance. Starshooter aurait peut être mieux fait de gagner au Loto pour ceux là. Mais la jalousie et la mesquinerie ne sont pas seules en cause. Il existe pire : l'intolérance absolue, le refus d'une remise en question. Kent ne demande pas qu'on l'excuse ni qu'on lui pardonne. Il demande un peu de compréhension. La différence est de taille, surtout après " l'outrage " que Starshooter a osé commettre. Pensez donc : le changement … Quelle horreur, quelle histoire… quelle aventure. Et toute cette salade d'ailleurs pour un bouleversement qui n'en est même pas un. Les Starshooter ont modifié le tempo, rayé les gros mots et troqué le skaï contre du satin. Z'auraient peut être mieux fait de retourner leur veste. Les obsédés de l'anathème auraient alors crié au cynisme génial ! On a envie de dire à Kent " laisse pisser et faites votre truc " Ce n'est qu'un piètre argument. Leur demi-échec (" Mode " n'est pas un fiasco auprès de tout le monde loin s'en faut ) est tout de même un sérieux avertissement. S'ils ne sont pas encore persuadés que comme les diamants la connerie est éternelle cela pourrait bien arriver. Ce jour là il n'y aura plus de congas ni de maraccas, plus de starlette ni de loukoum, plus de fille à la mode ni d'amour speedé. La vie ne sera plus du cinéma mais un théâtre d'ombres. Les caporaux-chefs de la Kulture auront gagné. Quoi ? Que l'on soit aussi tristement con qu'eux. Maman j'ai froid dans le dos !

.....Après la sortie du 2ème Album,
le groupe .a connu un passage
difficile, quelques .concerts .perturbés,
des critiques acerbes, .des "fans" .
franchement chiants....
.. .Retour sur une période troublée,
troublée .sûrement, mais par un
album vraiment .différent.
.. .il suffit d'écouter le titre nouvelle
vague en live par exemple pour
comprendre.